CYCLE DAVID LYNCH
Juillet-Septembre 2025

Parce qu'on n'arrive toujours pas à se remettre de son décès en janvier dernier, le Palace vous propose de passer tout l'été en compagnie de David Lynch, le cinéaste qui a fait entrer le Septième Art dans le XXIème siècle en projetant nos rêves et nos angoisses contemporaines sur grand écran. 9 films éblouissant en copie restaurée, trois séances par semaine.
« L’un des producteurs d’Elephant Man a formulé un parfait résumé de David Lynch : c’était pour lui « un James Stewart venu de Mars ». Par-delà la ressemblance physique avec l’acteur, Lynch a en effet digéré et régurgité les mythologies américaines, mais d’un point de vue extraterrestre, pour lequel ne se contredisent pas le merveilleux et l’horrible, le lyrique et le clinique. Apparu juste après le Nouvel Hollywood (la génération de Spielberg, Coppola, Scorsese, etc.), Lynch est l’un des rares cinéastes américains d’après-guerre à avoir imposé un imaginaire tel qu’il a suscité un adjectif. Lynchien, qu’est-ce que ça veut dire ? « It’s a strange world », répond le héros de Blue Velvet. » (Hervé Aubron)
SÉANCES SUPPLÉMENTAIRES DE RATTRAPAGE AJOUTÉES À PARTIR DU 20 AOÛT
PROGRAMME:
À partir du 9 juillet 2025:

Eraserhead
Tout l'été le Palace vous propose un voyage dans la filmographie de David Lynch. On commence par ses débuts fracassants avec l'inclassable ERASERHEAD. Un homme est abandonné par son amie qui lui laisse la charge d'un enfant prématuré, fruit de leur union. Il s'enfonce dans un univers fantasmatique pour fuir cette cruelle réalité. "Noir et blanc radioactif : dans des friches industrielles désertées, dont on ne sait si elles sont post-apocalyptiques ou se situent sur une autre planète, un homme est seul face à l’horreur de l’organicité. Dans le taudis qu’il habite, il doit prendre soin de son nourrisson, que sa fiancée lui a laissé sur les bras. L’enfant est un avor- ton qui s’apparente à un lapin écorché et ne cesse de geindre. Alors l’homme rêve. Il fantasme, dans l’immédiat, sur sa voi- sine, puis imagine un cabaret à l’intérieur de son radiateur. Premier film distribué de Lynch, Eraserhead a durablement identifié le cinéaste à un art brut, tout entier dévoué à déterrer la part la plus pénible de la vie corporelle. C’est certes l’une de ses questions, mais non la seule, ainsi que la suite le montrera. " Hervé Aubron
À partir du 16 juillet 2025:

Elephant Man
Londres, 1884. Le chirurgien Frederick Treves découvre un homme complètement défiguré et difforme, devenu une attraction de foire. John Merrick, " le monstre ", doit son nom de Elephant Man au terrible accident que subit sa mère. Alors enceinte de quelques mois, elle est renversée par un éléphant. Impressionné par de telles difformités, le Dr. Treves achète Merrick, l'arrachant ainsi à la violence de son propriétaire, et à l'humiliation quotidienne d'être mis en spectacle. Le chirurgien pense alors que " le monstre " est un idiot congénital. Il découvre rapidement en Merrick un homme meurtri, intelligent et doté d'une grande sensibilité. " Premier film de Lynch produit dans une économie traditionnelle, Elephant Man est le biopic de John Merrick, phénomène de foire anglais atteint de spectaculaires difformités, devenu l’objet d’étude, mais aussi d’attentions, d’un médecin, sous l’ère victorienne. À nouveau un corps hors normes, à nouveau du noir et blanc, mais cette fois-ci lustré : c’est, avec Une histoire vraie, le récit le plus « classique », linéaire, de Lynch. Et c’est aussi l’histoire d’une conversion : comme Merrick, l’artiste expérimente là les contraintes et le confort, tout à la fois, du cinéma. Le film est très émouvant, sans doute pour cette raison, mais aussi parce que, à l’heure De multiples productions d’épouvante (dont Alien, dans lequel joue John Hurt, l’interprète de Merrick), Lynch invente un film où « le monstre a peur », ainsi que le remarque le critique Serge Daney." Hervé Aubron Rétrospective David Lynch, du 9 juillet au 9 septembre au Palace.
À partir du 23 juillet 2025:

Blue Velvet
Dans le cadre de notre cycle David Lynch, ne manquez pas BLUE VELVET, le fim avec lequel David Lynch a défini l'univers contemporain et onirique qu'il quittera jamais. Il se passe quelque chose d’étrange derrière les palissades blanches de Lumberton, Caroline du Nord. Après avoir fait la découverte d’une oreille humaine coupée dans un champ, Jeffrey Beaumont, un étudiant attiré par le mystère, est bien déterminé à enquêter. Avec l’aide de sa petite amie, Jeffrey pénètre dans l’univers sombre et dangereux de Dorothy Vallens, une chanteuse de boîte de nuit mystérieusement unie à Frank, un gangster sadique, autour d’une histoire de kidnapping. " Tintin au pays des pulsions : le diaphane Kyle McLachlan, que Lynch a dirigé auparavant dans Dune, incarne un jeune homme revenant dans la petite ville de son enfance. À la faveur d’une oreille coupée, découverte dans un terrain vague, la bourgade paisible révèle une infernale et nocturne dimension parallèle. Lynch exacerbe encore l’inquiétante étrangeté de la biologie : au début du film, une plongée sous le beau gazon d’un jardin révèle un grouillement de vermines. Mais il y adjoint l’horreur de clichés devenus grimaçants : ceux de l’American Way of Life (ces Happy Days qu’il vécut enfant), ceux aussi du cinéma de genre, en l’espèce du film noir, qui devient un bal de zombies et de vampires encerclant une femme-objet, incarnée par Isabella Rossellini, la compagne de Lynch alors." (Hervé Aubron)
À partir du 30 juillet 2025:

Sailor et Lula
Tout l'été le Palace vous propose un voyage dans la filmographie de David Lynch. Cette semaine le film qui lui valut une Palme d'Or, SAILOR ET LULA. Sailor et Lula, deux jeunes amoureux, fuient Marietta, la mère de la jeune fille qui s'oppose à leurs amours, ainsi que toute une série de personnages dangereux et mystérieux qui les menacent. L'amour triomphera-t-il de la violence qui les entoure ? Interprétation atomique de Nicolas Cage et Laura Dern, musique envoutante de Chris Isaak, chronique d'un amour fou dans l'Amérique des gangsters... Avec SAILOR ET LULA Lynch invente littéralement le cinéma des années 90, dont les codes ne tarderont pas à être repris par un certain Tarantino.
À partir du 6 août 2025:

Twin Peaks - Fire Walk With Me
Dans le cadre de notre cycle Lynch, ne manquez pas le prequel de la série culte. La mort mystérieuse de Teresa Banks dans la tranquille petite ville de Deer Meadow va donner bien du fil a retordre aux agents Dale Cooper et Chester Desmond qui vont mener une enquête en forme de charade et découvrir que bien des citoyens de la ville sont impliqués dans cette affaire. Un an plus tard, ce sont les sept derniers jours de Laura Palmer, qui se termineront par la mort brutale de cette dernière annonçant ainsi le début de Twin Peaks, le soap opera. "Dans la foulée du triomphe télévisuel de Twin Peaks, Lynch en réalise le pre- quel sur grand écran, retraçant les sept derniers jours de Laura Palmer, dont la découverte du cadavre lançait la série. Avec beaucoup de courage, le cinéaste n’en profite pas pour rentabiliser la signalétique de la série, dont la plupart des protagonistes sont ici absents. Il s’agit plutôt d’un mausolée en l’honneur d’une figure, Laura, qu’il a sacrifiée. Lynch entame là un sillon qui demeurera par la suite : donner à voir et sentir l’exploitation physique et fantasmatique de l’effigie féminine. C’était déjà le cas dans Blue Velvet, mais c’est cette fois-ci encore plus suffocant : totalement mésestimé à sa sortie, il est l’un des plus grands films de Lynch." (Hervé Aubron)
À partir du 13 août 2025:

Lost Highway
Un bunker chic et silencieux assis sur les collines de Los Angeles. Un couple – Fred, saxophoniste dépressif et Renée – reçoit une cassette vidéo de la façade de leur maison. Puis une seconde, filmée depuis leur chambre, où on les voit dormir. Puis une dernière, qui suggère, dans un déferlement de sang, que Fred aurait assassiné Renée.
À partir du 20 août 2025:

Mulholland Drive
Un violent accident de voiture sur la route de Mulholland Drive sauve une femme de ses poursuivants. Hagarde, la belle s’enfonce dans la nature et se réfugie dans une demeure inoccupée. Le lendemain, Betty Elms débarque à l’aéroport de Los Angeles. Actrice, elle compte bien devenir une star, et sa tante, partie sur un tournage, lui prête son appartement. Dans la salle de bains, Betty découvre avec surprise l’accidentée, terrée et terrifiée. Prise de compassion pour l’infortunée, qui se révèle amnésique, elle décide de l’héberger tout en l’aidant à retrouver peu à peu des bribes de son passé. Leurs seuls indices résident dans un sac rempli d’argent et une mystérieuse clé bleue...
À partir du 27 août 2025:

Inland Empire
Nous voici plongés dans une histoire de mystère, l'énigme d'un monde au coeur des mondes, le secret d'une femme en proie à l'amour et aux tourments...
À partir du 3 septembre 2025

Une histoire vraie
Alvin Straight, vétéran de 73 ans, vit avec sa fille Rose dans une petite ville de l’Iowa. Lorsqu’il apprend que son frère Lyle a été victime d’une attaque, le vieil homme décide de renouer avec lui, après dix ans de silence. Malgré son état de santé problématique, Alvin est résolu à entreprendre le long voyage qui le sépare de son frère. Privé de permis de conduire à cause de sa mauvaise vue, il va devoir effectuer plusieurs centaines de kilomètres sur sa tondeuse à gazon...
(ne manque donc à l'appel pour faire une rétrospective intégrale que Dune, dont les droits de diffusion se sont malheureusement perdus dans l'espace depuis de nombreuses années...)
A PROPOS DE DAVID LYNCH
par Hervé Aubron, critique aux Cahiers du Cinéma.

Né en 1946, à Missoula, dans le Montana rural, David Lynch grandit au fil des mutations de son père agronome. Élève récalcitrant, il convainc ses parents de l’inscrire en école d’art. Ce sera d’abord dans la policée Boston, qui ne lui convient pas, puis à Philadelphie, métropole sinistrée dont la dureté́ l’oppresse en même temps qu’elle l’inspire. Il commence là à s’essayer au court-métrage, non pour s’inscrire dans la cinéphilie, mais parce que, raconte-t-il, le son et le mouvement lui manquaient.
Il rallie l’école de l’American Film Institute en 1971. Pendant quatre ans, il dispose d’une étable abandonnée pour tourner en autarcie Eraserhead, son premier long métrage qui, distribué en 1977 dans le cadre des « midnight movies », devient un film culte. Lynch est d’un coup happé par l’industrie du cinéma. Mel Brooks le sollicite pour réaliser Elephant Man (1980), puis Dino de Laurentais l’embarque dans l’adaptation de Dune (1984), la saga de science-fiction de Frank Herbert. Puits sans fond, le film est un échec public.
Avec Blue Velvet (1986), le cinéaste trouve sa plus juste économie de travail : un atelier en marge d’Hollywood, mais aussi à̀ deux pas, à son ombre et dans sa part d’ombre. En 1990, Wild at Heart (Sailor et Lula) poursuit dans la lignée du polar halluciné et remporte la Palme d’Or. Lynch est alors le roi du monde : il conçoit dans le même temps, avec Mark Frost,la série Twin Peaks (1990-91), qui, à l’imagerie de Blue Velvet, ajoute un arrière-fond mythologique, un pandémonium d’esprits qui rôdent. Immédiatement adorée, Twin Peaks impose la possibilité d’une ambition formelle à la télévision et pose les bases de l’actuel règne des séries. Le prequel de la série sur grand écran, Twin Peaks : Fire Walk With Me (1992), témoigne néanmoins d’une grande mélancolie.
Hors The Straight Story (Une histoire vraie, 1999), road-movie au ralenti où il affirme sa capacité à tracer une ligne droite, Lynch creuse les potentialités schizophrènes du cinéma avec des films diffractés ou pliés en deux, où les identités voltigent : Lost Highway (1997), Mulholland Drive (2001) et Inland Empire (2006). En 2017, diffusée sur Internet, Twin Peaks : The Return, troisième saison de Twin Peaks quelque trente ans après, est un chef-d’œuvre sur l’histoire au long cours de l’imaginaire états-unien. N’ayant jamais cessé de pratiquer la peinture, mais aussi la musique, Lynch est par ailleurs un prosélyte désarmant, sinon inquiétant, de la méditation transcendantale.
(Texte rédigé par Hervé Aubron en décembre 2022. David Lynch nous a quitté le 16 janvier 2025. Ses films demeurent.)
Cycle réalisé en partenariat avec l'ADRC, Agence pour le Développement Régionale du Cinéma.